LETTRE 10 du 23 JUILLET 44
LE 23/07/44
Mon Pierrot chéri,
Je ne vous ai pas écrit jeudi dernier : Jour habituel de notre correspondance car maintenant je travaille et le soir il y a tout le temps des coupures d’électricité.
Depuis mercredi dernier je travaille aux Ponts et dans le bureau de votre beau-frère. Je me suis assez bien habituée et le travail jusqu’ici n’a pas été trop fatiguant, mais j’ai de la route à faire car le Boulevard Voltaire à RENNES n’est pas auprès de la Préfecture. Enfin cela me change les idées qui ne sont pas toujours très roses.
Lundi dernier nous avons eu encore un violent bombardement dans l’heure de midi. Les avions sont revenus pour la 2ème fois et ont arrosé ST MEEN, le THABOR, la gare. IL y a eu une centaine de victimes. Nous avons eu encore bien peur.
Mais je bavarde et j’oublie de vous demander de vos nouvelles. Comment allez-vous ? Bien, j’espère de tout mon cœur. Et le moral ? Est-il meilleur depuis les nouveaux événements ? Moi maintenant je reprends espoir car la fin de ce cauchemar sera peut-être pour cette année qui nous apportera aussi, je l’espère votre retour. Hier des prisonniers et des travailleurs venant de Prusse orientale et d’Autriche sont arrivés à Rennes, par divers moyens de communications. On les avait renvoyés. Vous devinez certainement pourquoi j’espère maintenant, votre retour pour cette année
Cela fait maintenant plus de 2 mois que vos dernières nouvelles me sont parvenues. C’est bien long d’être aussi longtemps sans nouvelles de personnes que l’on chérit mais heureusement qu’il y a l’espoir du « revoir »
J’écoute tous les jours la radio pour savoir si vous ne subissez pas de bombardements. Vous avez du encore être alertés pendant celui de PINNE MÜDE, c’était bien près.
Ici avec le mauvais temps nous avons été plus tranquilles en fin de semaine. Mais aujourd’hui le soleil, a réapparu et, sans alerte, nous avons eu des passages d’avions avec tir de la D.C.A. Petite émotion que l’on oublie vite en reprenant le cours de la vie normale jusqu’à la nouvelle alerte.
Mon Pierrot chéri, je pense bien à vous, soyez en sûr. Vous êtes beaucoup pour moi. Si seulement vous pouviez revenir ! Qu’il ferait bon vivre alors malgré les alertes, les bombardements et les restrictions….. Que nous ne sentons plus guère maintenant. Les moyens de communications sont coupés et par suite les expéditions supprimées. Nous sommes donc pour le moment des privilégiés au point de vue nourriture et nous sommes vraiment navrés de ne pouvoir rien envoyer à ceux qui jeunent et sont moins favorisés que nous. Heureusement que vous pourrez vous rattraper après votre retour et que plus tard, je serais là pour vous faire de bonnes choses qui vous feront oublier les mois de disette .J’y pense souvent à cette vie que nous poursuivront ensemble, si Dieu le veut, et aux bons moments que nous vivront. Ne pensons pas aux mauvais moments, car j’espère que nous nous aimerons assez l’un, l’autre pour nous épauler et passer les moments difficiles avec courage.
Quand vous reviendrez, je serai bien heureuse et que de choses nous aurons à nous dire, que de projets à ébaucher, que de rêves à matérialiser ! Puissent ces heureux moments arriver à grands pas.
En attendant mon Pierrot adoré, je vous envoie beaucoup, beaucoup de très doux baisers pour vous donner le courage d’attendre ceux que je vous donnerai réellement bientôt j’espère.
Votre Marie-Anne qui vous aime profondément.
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