Le 12 AVRIL 1944
Mon chéri,
Me voici de nouveau à Rennes pour congé de Pâques. L’année dernière je croyais bien que cette fois-ci nous aurions passé les fêtes ensemble. Mais les évènements ne l’ont pas permis et ce que les évènements non plus ne permettent pas, c’est l’acheminement du courrier. Voilà plus de 6 semaines que je n’ai pas reçu de vos nouvelles. C’est bien long mais je ne m’en fais pas outre mesure puisque personne ne reçoit de lettres d’Allemagne : pas plus de prisonniers, que de travailleurs. Certains bruits ont répandu que la frontière était fermée, pourtant les colis partent. C’est à n’y rien comprendre. La séparation est déjà bien lourde et si on nous supprime le courrier, ce sera le bouquet.
Enfin parlons d’autres sujets qui ne nous donneront pas le cafard.
Tout d’abord que devenez-vous ? J’espère que vous êtes toujours en bonne santé. Voilà le printemps revenu et les premiers rayons du soleil viennent nous réchauffer. Ici, après quelques jours de pluie, nous avons du beau temps et le jour de Pâques il a fait du beau soleil. Tous les arbres sont fleuris : ce sont de beaux bouquets. IL est bien malheureux que vous ne puissiez voir cela. A SWIEMÜNDE il fait peut-être encore froid.
Et vos parties de football que deviennent-elles ? J’en suis réduite aux suppositions. Quand pourrez-vous me raconter tout cela de vive voix.
Dés notre arrivée à Rennes, je suis allée voir votre maman et nous avons bavardé un bon moment ensemble. Un de vos camarades réformé est venu voir votre maman et a donné pas mal de détails sur votre vie au camp : détails que votre maman m’a redonnés. Nous sommes un peu mieux fixés sur votre sort. Est-ce que les colis vous arrivent bien ?
Jeudi dernier avec votre maman, votre sœur, vos petites nièces, nous sommes allées voir les Paradis ;( le Vendredi Saint à 3 heures vous savez peut-être que l’on fait les vœux. IL en est un, que j’ai fait de tout mon cœur et je ne demande qu’une chose : Qu’il soit exaucé. Vous savez sans doute lequel n’est-ce pas ? ) Mais je reviens à notre promenade de jeudi. Elle s’est terminée chez Mme DIVET et là j’ai pouponné. Solange est un bébé magnifique et nous sommes très bien ensemble. Raymonde et Jacqueline sont en ce moment pensionnaires pour quelques jours chez vos parents et viennent me voir souvent.
L’autre jour, j’ai vu Gilbert. IL sert de premier commis à sa mère. Je crois qu’il a engraissé pendant son séjour en Allemagne.
Voilà à peu près toutes les nouvelles. La vie est calme à Rennes pour le moment. Souhaitons que cela dure le plus longtemps possible. Je viens d’apprendre que la région parisienne vient encore d’être bombardée et ce n’est certainement pas le cœur rempli de joie que vendredi prochain je reprendrai le train pour Paris.
Comment avez-vous passé les fêtes de Pâques ? Donnez-moi beaucoup de détails sur votre vie pour que je puisse mieux vous suivre par la pensée.
Ne vous inquiétez pas surtout pour ma santé. Je vais très bien et en cette période je récupère du sommeil et cela me fait bien du bien.
En rentrant il va falloir travailler dur car l’examen est proche. 5 semaines juste après la rentrée. Les 3 jours qui précéderont la Pentecôte pensez un peu à moi, je serai en plein examen du moins si rien ne se passe avant puisque nous espérons toujours des événements qui ne viennent pas.
Voilà midi qui sonne, je vais être obligée de vous quitter mon Pierrot. J’espère que cette lettre vous trouvera en bonne santé et vous apportera un peu de joie puisque dedans je mets toute ma pensée et tout mon amour pour vous.
Mon Pierrot chéri, je vous envoie beaucoup de baisers très doux et très tendres.
Votre Marie-Anne qui pense sans cesse à vous
Emplacement de la signature
Chaque fois que j’embrasse Maryvonne c’est en pensant à vous, car je trouve qu’elle vous ressemble beaucoup.