La région de Terre-Neuve a été fréquentée très tôt par les marins français, anglais et américains.
Au milieu du 18ème siècle, Terre-Neuve a été colonisée par les français et les anglais qui se partagèrent les lieux.
(1) Vaisseau marchand faisant la pêche à la morue sèche à Terre-Neuve selon une gravure des années 1820.
En bas de la gravure, il est indiqué en légende :
● le vaisseau (à droite)
● les chaloupes dans le lointain faisant la pêche à la morue
● chaloupe apportant le poisson à terre pour y être séché
● l’échafaud pour l’apprêt du poisson
● morue salée et à sècher sur le rivage
● autres vaisseaux
(2)
Le chauffaud est une forme de quai de débarquement et la morue en train de sécher sur la grave.
Le départ des ports avait toujours lieu groupé. Il arrivait fréquemment qu’une flottille de 250 bateaux était ainsi constituée. Cela avait pour avantage de présenter une garantie de sécurité aux navires. Mais, à l’approche du French-Shore, ou si le vent le permettait, les capitaines se lançaient dans une course pour arriver le premier. Il arrivait même que les chaloupes étaient mises à la mer encore loin des côtes quel que soit le temps pour arriver le premier.
Une ordonnance du 8 mars 1702, interdit aux capitaines de mettre leurs chaloupes à la mer tant que leur navire n’était pas au mouillage sous peine d’une amende de 1 000 livres.
Ce système fut appliqué jusqu’à la Révolution.
A la suite de la signature de la Paix d’Amiens, les armateurs de Saint-malo, de Saint-Brieuc et de Granville se réunirent à Saint-Malo le 9 thermidor an X (28 juillet 1802) afin d’organiser à nouveau la pêche à Terre-Neuve. Ils proposèrent un tirage au sort afin d’attribuer pour cinq ans les havres et grèves avant le départ des navires. Cette délibération servit de base au Règlement du 15 pluviôse an XI (4 février 1803). Il fut décidé de procéder ainsi au tirage au sort des lieux de pêches et de séchage pour une durée de trois ans à moins que les armateurs ne soient mis d’accord à l’amiable entre eux.
Dorénavant, tout bateau ne pouvait partir pour Terre-Neuve sans attribution d’une grève et d’un lieu de pêche.
Tous les trois ans, les armateurs se réunissaient à Saint-Malo, sous la présidence du commissaire de la marine, afin de procéder au tirage au sort.
Les lieux de pêche et de séchage étaient classés en quatre catégorie selon leurs capacités d’accueil :
● 15 chaloupes ou bateaux ou plus ;
● entre 10 et 15 ;
●9 ou moins ;
● les lieux considérés comme inutilisables.
Il était interdit à un capitaine d’envoyer une chaloupe si la banquise était encore formée ou si le bateau était éloigné de plus de 10 kilomètres de la côte.
Cependant, la reprise des hostilités avec l’Angleterre provoqua, à nouveau, l’arrêt de la pêche à la morue au French-Shore.
Le Règlement du 15 pluviôse an XI fut repris et complété par un règlement en 1821. Il était préalablement publié la reconnaissance officielle de tous les havres et galets.
Les quatre catégories de places prévues par le Règlement du 15 pluviôse étaient maintenues mais les places étaient attribuées pour cinq ans au lieu de trois.
Le tirage au sort avait lieu à Saint-Servan sous le contrôle de l’Inscription maritime. Les armateurs prenaient l’engagement d’occuper les places attribuées et donnaient les noms de s bâtiments concernés.
La répartition des graves se faisait selon l’effectif des équipages. Le tirage au sort était réalisé selon la catégorie des navires.
Après le tirage au sort, un bulletin d’attribution des lieux de pêche était délivré à l’armateur.
Ce tirage au sort s’appliquait aux havres de la côte Est du cap Saint-Jean au cap Normand ainsi qu’aux quatre havres de la côte Ouest : Port-au-Choix, anse de Barnabé, île des Sauvages, île Saint-Jean.
L’île Rouge, au large de la presqu’île de Port-à-Port, faisait l’objet d’un tirage à part.
Par la suite, les pêcheurs de Saint-Pierre et Miquelon reçurent l’attribution exclusive de la baie de Saint-Georges, de trois places à l’île Rouge et quatre places à Cod-Rod.
Les départs des ports français pour la côte Ouest et le banc étaient autorisés à partir du 1er mars et ceux pour la côte Est à partir du 20 avril. Aucun départ ne pouvait avoir lieu après le 1er juillet.
A la suite du traité d’Utretch en 1713, les droits et lieux d’occupation des deux pays fut fixé avec précision. La France céda son droit de souveraineté sur l’île mais il lui fut réservé le « droit absolu et imprescriptible » de pêche sur les côtes couvrant une partie de l’île depuis le Cap de Bonavista sur les côte est jusqu’à la Pointe Riche sur la côte ouest en passant par le nord de l’île.
(4) Terre-Neuve et les bancs
(5) la morue
(6) le doris
(7) Baraquement à Port-Saunders (à l’ouest du French-Shore)
(8) Des banquiers
(9)
(10) Le Croc est situé à l’est du French-Shore
(11) La Baie de Saint-George
Les opérations de séchages de la morue étant nécessaire, il fut convenu que nous pourrions établir des lieux fixes dans l’île afin d’ériger des installations provisoires légères à l’exclusion de toute construction fixe en dur.
Leur exploitation était ainsi réduite à la période comprise entre le 5 avril et le 5 octobre de chaque année.
Le plus ancien hâvre (ou baie) est celui de la Baie de Fleur de Lys occupée depuis 1733.
Toute cette zone est appelée le « FRENCH SHORE ».
Le Traité de Versailles en 1783 modifia légèrement cette zone.
Le nombre des hâvres baissa régulièrement de 41 recensés en 1784 pour être réduits à quelques-uns en 1904.
Cette situation demeurera ainsi jusqu’en 1904, date d’arrêt de cette occupation du fait de l’hostilité du gouvernement de Terre-Neuve et de la migration du poisson vers les bancs.
Dans une lettre du 18 avril 1832, le préfet de Toulon communique au Capitaine de vaisseau commandant la gabarre la Garonne, lui donne des instructions avant son départ pour Terre-Neuve et lui transmet un certain nombre d’instructions sur le tableau des havres réservés à la pêche aux Français, les droits accordés par les traités aux pêcheurs français, ordonnance sur le règlement des parties de la pêche à la morue de l’île de Terre-neuve etc :
(12)
« Toulon, le 18 avril 1832,
Monsieur le Capitaine, je vous adresse avec cette lettre, les instructions détaillées ci-dessous qui devront vous servir pendant le tems que vous devrez stationner à Terre-neuve. Je vous prie de m’en accuser réception en désignant comme je le fais, chacune de ces instructions :
Savoir :
1° mémoire portant instruction pour le commandant de la station de Terre-Neuve ;
2° note sur les droits que les traités donnent aux français, relativement à la pêche de la morue, à l’île de Terre-Neuve et dans les parages adjacents ;
3° instructions particulières touchant la présence des pêcheurs américains dans les havres recensés par les traités aux pêcheurs français sur les côtes de l’île de Terre-neuve ;
4° ordonnance portant règlement sur les parties de la pêche de la morue à l’île de Terre-neuve ;
5° tableau des hâvres situés sur la partie des côtes de l’île de Terre-neuve depuis le Cap de Roye, remontant vers le nord jusqu’au Cap st Jean ;
6° tableau de répartition des places de pêche à Terre-neuves ;
7° dessin des hâvres et grèves depuis la baie haba jusqu’à la baie de la Scie ;
8° carte anglaise de la côte de terre-neuve depuis le cap fréel jusqu’au cap Patridge ;
9° carte d’une partie de Terre-Neuve, dans le détroit de Belle-île :
10° carte d’une partie de la côte de Terre-neuve comprise entre la baie Bonaventure et celle de Roty ;
11° une carte de l’île et des bancs de Terre-neuve.
Recevez, monsieur le Capitaine, l’assurance de ma parfaite considération.
Le V. A. Préfet maritime .
Reçu de Mr Laurent Lieutenant de vaisseau tous les projets dénommés ci-dessus qui ont été déposés à la majorité.
Toulon le 7 janvier 1833 »
(13) Établissement du Port Toulon
Les lettres provenant du French-Shore sont rares voire très rares.
Dans son livre « LA GRANDE PÊCHE « , Mr joseph BERGIER donne une liste des lieux d’envoi des lettres avec leur degré de rareté (page 24) :
1 non rencontré à ce jour (décembre 1992)
2 très rare
3 rare
Côte Est
La Scie3
Pasquet2
Fleur de Lys3
Havre s/Fond2
Dégrat du Cheval2
Les Canaries1
La Conche3
Cap Rouge (ou Carouge)3
Le Crox ou Croz2
Ile Fichot2
Ile Grands Juliens2
Ile Petites Juliens1
Les Petites Oies2
Le Grand Bréhat2
Ile de Querpon1
La Crémaillère non cité
Trois Montagnes non cité
Côte Ouest
Ile Saint Jean1
Ile aux Chevaux1
Ile aux Sauvages1
Port Saunders2
Port à Choix1
Port à Port2
La carte ci-après présente la partie de Terre-Neuve correspondante au French-Shore.
Les lettres de ces havres étaient confiées aux navires prêts à partir pour la France. L’expéditeur ne pouvait pas déterminer le port d’arrivée en France. on dit alors que les lettres étaient acheminées par la « voie du commerce » par opposition à celles qui furent envoyées plus tard selon une organisation postale « la voie anglaise ». Dans ce cas, les lettres arrivaient à Sydney ou Halifax en Nouvelle-Écosse pour Liverpool, Londres, Calais et la France.
La lecture de ces lettres est intéressante et passionnante par les détails qu’elles contiennent. En voici quelques unes tel qu’elles ont été écrites.