Acte de guerre avant le début de la Guerre de Sept Ans
La lettre illustre l'attitude de la marine anglaise qui cherchait à priver les Français des meilleurs capitaines de la Marine Nationale.
La capture, le 27 août 1755, des trois capitaines a été réalisée en temps de paix et donc en toute illégalité.
Le fils d’un armateur bordelais écrit à son père, Pierre Girard, pour lui annoncer, dans deux lettres successives, la prise de son navire et lui demande des consignes. Il indique qu’il a été pris, en temps de paix, comme deux autres navires français.
L’auteur des deux lettres précise qu’il a été capturé « le lendemain de ma sortie de la rivière et me pris dans le O/SO de la rivière distance d’environ 32 lieues.. », c’est-à-dire de la rivière de Bordeaux, la Gironde.
Dans la seconde lettre, il donne l’adresse d’un négociant de Plymouth qui pourra lui donner de l’argent et à qui son père pourra lui écrire. Il évoque aussi les risques d’interception des lettres.
Son vaisseau a été transféré à Porstmouth.
(1)
Lettre du 19 septembre 1755 de Plymouth à destination de Bordeaux pour Mr Girard Négociant aux Chartrons. Aucune taxe n’apparaît. La lettre a dû être acheminée par un bateau pricé.
« Monsieur
Le lendemain de ma sortie de la rivière 26 du passe, je suis été encontré par un vaisseau de guerre nommé le York, de soixante canons qui ma donne chasse jusqu'à quatre heures après-midi qui m'ayant joint, il m'a tire deux coups de canon pour lors.
Je me mis en panne et mon pavillon battan. Le dit vaisseau de guerre en a fait de même et mit deux cannots a l'eau qui sont venus a mon bord et sitôt que l'officier anglais a été a mon bord, il a fait amène mon pavillon et m'a dit que j'étais de bonne prise. Je lui ai répondu que nous n'étions point en guerre et que si nous l'avions il eut a me faire voir la Declaration de Guerre. Il n'a rien répondu sur cela, mais c’était les ordres de son amiral. Je vous prie de voulloir
communiquer ma lettre à la Chambre de Commerce pour que Représentation soit faite au Roi ou au Ministre pour rechercher votre navire comme étant party en paix et non en guerre. Je ne négligeray pas de me lier avec les autres capitaines pour représenter à l'Amirauté d'Angleterre pour avoir vue décision prompte sur les prises. Monsieur Dufour commandant La Marianne a eu mon même sort avec Monsieur Lacoste commandant la Sophie qui ont été pris par un autre vaisseau de guerre. Je vous prie voulloir m'écrire et me donner un correspondant a qui je pourrai m'adresser en cas de besoin. Le capitaine anglais après m’avoir pris m'a dit qu'il n'avaient ordre de prendre tous les vaisseaux français que depuis le 22 courant et qu'il ne savait pas si nous serions bonne prise.
Et suis très parfaitement.
Monsieur Votre très humble et très humble serviteur.
Capitane à bord
4 octobre 1755
……..
S. Giraud »
(2)
Lettre du 26 septembre 1755 de Plymouth à destination de Bordeaux pour Mr Girard Négociant aux Chartrons. marque « DANGLETERRE » et taxe (tarif du 1er janvier 1704 de 17 sous s’expliquant ainsi :
en provenance d’Angleterre et à destination de Paris 10 sous
de Paris à Bordeaux 7 sous
total 17 sous.
«Plimouth le 26 septembre 1755
Monsieur
Ma première à vous écritte en datte du 19 septembre de ce mois par laquelle je vous marque avoir été pris le lendemain de ma sorite 26 août par un vaisseau de guerre nommé le York en faisant canon, qui ma pris dans le O/SO de la rivière distance d’environ 32 lieues Et qui m’a transporté icy à moy et à mon équipage, n’ayant laissé à bord de mon navire qu’on seul homme qui est le cuisinier ne doutant pas que toute…que trop en désordre à bord où 5 navires pour le Cap..m’en a fait mon qui après avoir resté à bord trois jours.Après le navire prise à bord duquel le capitaine du vaisseau de guerre l’a envoyé cherché le transportant à son bord. La prise n’est point icy dans ce port, elle aura été conduite à porsmouth sur ce que le Capitaine du vaisseau de guerre m’a dit.
Je vous écrit par celle-cy de voulloir m’écrire et me marquer quels seront les arrangements, que vous aurez pris vis-à-vis de votre assurance pour que je puisse m’y conformer pour éviter toute difficulté. Espérant que toutes les prises seront rendues. Je vous prie de vouloir m’adresser au commandant pour que je puisse m’adresser à luy en cas de besoin et lui faire tenir les lettres que j’aurai occasion de vous écrire pour qu’elles vous soient données le plus promptement qu’il sera possible. Je ne vous écrits par bien des circonstances dans la crainte que ma lettre ne soient interceptées et qu’elles ne pourraient pas vous parvenir et, suis très parfaitement
Monsieur
Votre très humble et très obéissant serviteur
S. Giraud
Je pris la liberté de m’adresser à monsieur Etienne Mognan négociant à Plimouth qui ma fourni jusqu’à présent l’argent que j’ay eu besoin et à qui vous pouvez adresser la réponse.
Commissaire à Bordeaux le 11 8 bre 1755… »
(3) (4)
LA FAMILLE GIRARD ARMATEUR DE BORDEAUX
(5)
Stephen Girard (Etienne Girard)
Étienne Girard naît à Bordeaux en 1750 (aux Chartrons, rue Ramonet) dans une famille de négociants (Pierre Girard et Anne-Marie Lafargue). Il est le cadet d’une fratrie de 10 enfants. À 13 ans, il s'engage comme mousse sur un navire qu’il débarque sans argent à Philadelphie le jour de l’Indépendance des Etats-Unis. A 23 ans, il devient capitaine de navire dans la flotte de son père. En 1774, Girard fait du commerce entre les Antilles et New York, mais en 1776, la marine britannique organisant le blocus des treize colonies rebelles, oblige Girard à se réfugier à Philadelphie, où il décide de s'installer et devient l'une des figures des réfugiés français de Saint-Domingue en Amérique. En 1777, Girard épouse Mary Lum, mais en 1785 Mary commence à souffrir de troubles mentaux et en 1791 Girard, sur les conseils du docteur Benjamin Rush, se résout de la faire interner à l'hôpital de Philadelphie.
Le 27 octobre 1778, Girard prend la nationalité américaine sous le nom de Stephen Girard. Travailleur infatigable et doué pour le négoce, Il s'enrichit beaucoup grâce au commerce avec les Antilles mais aussi avec la Chine. En 1811, alors que la charte de la Première Banque des États-Unis d'Amérique arrive à expiration, il rachète la majorité des actions ainsi que les bâtiments et fonde sa propre banque, la Girard Bank. La banque Girard bat monnaie et devient le principal bailleur de fonds du gouvernement américain lors de la guerre de 1812. Dans le courant du conflit, face à l'urgence et au désistement d'autres banquiers, il a, à un moment, garanti 95 % des bons de guerre émis. En 1816, il devient un des directeurs de la Seconde Banque des États-Unis d'Amérique. Il finance aussi la création du journal « L'Abeille Américaine » de Jean-Simon Chaudron, son associé dans une société d'orfèvrerie, qui assure un trait d'union entre les réfugiés français de Saint-Domingue en Amérique, dont Stephen Girard fut probablement le premier.
Stephen Girard est considéré, par les historiens de l'économie, comme le 4e homme le plus riche de l'histoire des États-Unis à la fin de sa vie, (l'une des bases de calcul étant le rapport de sa fortune au PIB du pays à son époque) avec une fortune de 7,5 millions de dollars US (soit 1/150e du PNB américain). Il décide de léguer sa fortune aux œuvres caritatives de Philadelphie et de La Nouvelle-Orléans et fonde à Philadelphie le Girard College, un internat destiné à accueillir et à scolariser les orphelins de la ville.
(source Wikipédia)