CORRESPONDANCE D’UN PRISONNIER DE GUERRE DÉTENU À TAPSON (PRÈS D’EXETER) AVEC SON PÈRE DOMICILIÉ À REDON. IL PARTIRA PAR LA SUITE POUR SAINT-DOMINGUE
Le fils de Mr Gobbé de la Gaudinais a été fait prisonnier au tout début de la Guerre de Sept Ans puisque selon ses écrits, il a dû être prisonnier en septembre-octobre 1756. Mr Gobbé de la Gaudinais était miseur de la Ville de Redon. Wikipédia donne la définition du miseur de Rennes :
« Rennes est non seulement la ville à utiliser le plus tôt les services des miseurs, mais aussi celle qui en emploie le plus : elle en a généralement deux à la fois, voire plus lors de grands travaux telle que l'édification des remparts de Rennes. »
(Cf Jean-Pierre Leguay « la ville de Rennes au travers des comptes des miseurs » Paris Librairie C Klincksieck 1969)
« Un miseur, dans les villes bretonnes de la fin du Moyen Âge et de l'Ancien Régime, est un comptable chargé des comptes municipaux, aussi appelés comptes des miseurs. D'après Jean-Pierre Leguay, on trouve à partir du XVe siècle un miseur dans les villes de Nantes, Lamballe, Vitré, Quimper, Vannes, et surtout Rennes. D'après Alain Gallicé, il est fait mention d'un miseur à Guérande en 1454.
De plus, les comptes des miseurs de 1418 à la fin du XVIIIe siècle sont toujours conservés aux archives municipales. (cyclopaedia.net). »
Outre la perception et la gestion des revenus municipaux, les miseurs ont également la charge de la direction des travaux, ainsi que l'attribution des fermes des impôts.
Dans sa lettre écrite le 3 décembre 1758, on apprend qu’il était pilote du Corsaire le « Mesnil-Montant » capturé avant juillet 1757, mois au cours duquel il fut repris aux Anglais qui lui avaient donné le nouveau nom de « Boscaven »
(1)
(référence Mercure de France septembre 1757 google books)
Il est détenu à la prison de Tapson près d’Exeter. Quand il écrit le 6 juin 1757, cela fait déjà neuf mois qu’il est détenu à Tapson. Son père tente d’avoir des nouvelles auprès de l’Amirauté à Londres, s’adresse aussi au duc Delorge qui tente d’intervenir auprès de l’Ambassadeur de Hollande pour le faire échanger.
La taxe des différentes lettres envoyées de Tapson ne suit pas les textes sur la taxation des lettres en provenance de l’Angleterre.
Je dispose d’une lettre envoyée le 28 juin 1757 de Plymouth à Bordeaux qui suit les tarifs en vigueur entre les deux pays.
(2)
Lettre du 28 juin 1757 de Bordeaux pour launceston (située à 26 miles au nord de Plymouht) adressée à Monsieur le Chef Duqueux Prisonnier à Launceston. Mention de destination rayée et remplacée par At Mr Folcher à Plymouth. Taxée 1 shilling 2 pence.
(3) Au verso, timbre à date bishop (14 juillet ) apposé à Londres.
(4) Visa de contrôle : Ex J.A.J.
A partir de 1711, les lettres de France, quelle que soit la ville de départ, sont taxées à Londres 10 pence. Au-delà et jusqu’à destination, il faut ajourer le port de Londres jusqu’à Launceston soit
La taxe de 3 pence s’explique comme suit :
de Bordeaux à Londres 10 pence
de Londres à Launceston 4 pence. La taxe de 3 pence lorsque la distance de Londres au lieu de destination est de 80 miles et mois, de 4 pence au-delà. Ici, la distance entre Londres et Launceston est de 213 miles.
Soit au total 1 shilling 2 pence
De 1756 à décembre 1762, le courrier est acheminé, dans les deux sens, de Douvres à Ostende par l’Office des Postes de Bruxelles.
Comme on le verra, un grand nombre de lettres furent transportées par la voie de contrebandiers (smugglers) ou de pêcheurs.
Les lettres envoyées de France doivent être adressées au commissaire des prisonniers de guerre français basé à Exeter comme l’écrit, à plusieurs reprises, le prisonnier.
Il recommande à son père de payer le port jusqu’à la sortie du Royaume (Calais) sans quoi les lettres n’arriveront pas à destination.
A son retour en France (probablement début 1762) ses relations avec son père ne s’améliorent pas qui lui demande le relevé de ses dépenses. De rage, le fils lui renvoie la montre que son père lui avait donné.
En 1767, le fils Gobbé est parti à St Marc (St Domingue) sans argent mais, pendant ce temps, son père a des difficultés (probablement financières) avec la communauté de Redon.
(5)
Lettre du 6 juin 1757 de Tapson (près d’Exeter) à « Monsieur Gobbé de la Gaudinais Conseiller du Roy Receveur miseur des villes et communauté de Redon Grande Rue à Redon en Bretagne ». Marque manuscrite « Dangleterre ». Marque d’entrée en France Havre (Lenain n°2a). Taxe 7 sols (Tarif de 1704 d’une distance entre deux villes de provinces comprise entre 80 et 100 lieues). Au verso, marque de contrôle de l’agent de Trapso.
(6)
Dans sa lettre, le fils de Gobbé de la Gaudinais, indique qu’il est prisonnier depuis neuf mois et qu’il peut donner de ses nouvelles grâce à une personne qui a pu transmettre sa lettre à un achemineur vers la France ; « j'ay profité avec bien du plaisir de l'occasion d'un monsieur qui s'en retourne en France pour vous donner de mes nouvelles»
« A la prison de Tapson le 6 juin 1757
Mon cher père
Après vous avoir assuré de mon soumis respect, j'ay profité avec bien du plaisir de l'occasion d'un monsieur qui s'en retourne en France pour vous donner de mes nouvelles. Je vous dirais que depuis neuf mois que je suis prisonnier j'ai toujours été malade. Cependant je commence un peu à me mieux porter. Sy vous aviez la bonté de m'envoyer quelque chose je vous serais bien obligé ce serait un .....d'obligation. que je vous aurais fait je suis Dans l'indigence. J'espère avec l'aide de dieu que nous pourrons peut-être nous en retourner vers le mois de septembre ou de décembre, je suis en attendant le plaisir de vous avec tout le respect et la soumission possible,
Mon cher père
Votre très humble et très obéissant serviteur votre fils Gobbé de la Gaudinais
Permettez-moi s'il vous plaît d'assurer ma chère mère de mon soumis respect et toutte votre famille
Le petit du Temple et Gascard vous présentent vous présente leurs respects et vous prie de les faire à son père, à sa mère et ont aussi écrit plusieurs lettres chez eux égallement que moy sans en voir eu aucune réponce. Si vous allés à Derval, je vous prie de faire de faire mon assurance de respect chez mon vieux polligné Je vous prie de grâce de me donner de vos nouvelles »
La lettre qui suite montre que son père a reçu cette lettre. il tente d’obtenir des informations auprès de Mr Melieu qui lui conseille de s’adresser au secrétaire de l’Amirauté à Londres mais à la condition d’affranchir sa lettre jusqu’à Calais.
(7)
Lettre du 2 septembre 1757 de Brest à « Monsieur Gobbé de la Gaudinais miseur de la communauté de Redon a Rhedon. a présent à Derval. Mention manuscrite « Payé à Redon » France Brest (Lenain n°7). Taxe 5 sols (Tarif de 1704 d’une distance entre deux villes de provinces comprise entre 40 à 60 lieues). La taxe a été barrée du fait du renvoi de la lettre à Derval.
« A Brest ce 26 septembre 1757
Monsieur
J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 22 du courant, je vous conseille d'écrire directement à Monsieur Fleulan secrétaire de l'amirauté à londre pour le prier de vouloir bien se donner la peine de s'informer si monsieur votre fils déteni prisonnier à Tapson en Angleterre est vivant ou mort vous lui donnerez par votre lettre son nom, sa qualité, le poste qu'il occupait et le nom du vaisseau où il a été pris et l' engagerez à vous informer sil est vivant ou mort mais à abstenez-vous de luy parler d’aucune autre affaire, et luy donner votre adresse, voilà la seule voye que je puisse vous indiquer à ce sujet, mais faittes affranchir le port de votre lettre jusqu'à Calais ou bien Monsieur Fleulan ne la retirera pas a la poste.
A l’égard de votre fils aîné employé aux devoirs je ne peux lui rendre aucun service, je ne connais aucuns de Mrs Fermiers ny celuy qui a sté jey fort longtemps, mais il faut faire employer auprès d’eux quelques gentilshommes de vos amis qui ayant quelque réputation et de leur adresser un mémoire instructif contenant la capacité et la conduite de Mr votre fils que vous étayerez des lettres de Mr son directeur.
Je suis faché que mon pouvoir soit si borné a ne pouvoir vous rendre de plus grands services.
Je vous salue et ay l’honneur d’estre d’une certaine considération.
Monsieur
Votre bien humble et très obéissant serviteur. Melieu »
La lettre qui suit est la 8èm. le prisonnier déplore que son père ne lui réponde pas. Il a écrit au Comte Delorge pour obtenir un échange mais sans réponse aussi, pensant avoir mal adressé sa lettre : « ….J'ai écrit il y a un mois à Monsieur le Comte Delorge mais je crains fort que ma lettre ne lui soit pas parvenue. n'ayant pas bien mis l'adresse et ne sachant pas où est son hôtel …. ». Il n’y a que lui qui n’est pas échangé : « Il leur aurait été fort facille de me faire échanger, car j'en vois tous les jours qui s'en vont par protection, il n'y a que moy qui suis délaissé… »
(8)
Lettre du 1er février 1758 de Tapson (près d’Exeter) à « Monsieur Gobbé de la Gaudinais miseur de la ville de Redon et communauté de Redon Grande Rue à Redon en Bretagne. En diligence ». Marque d’entrée en France Havre (Lenain n°3). Taxe 7 sols (Tarif de 1704 d’une distance entre deux villes de provinces comprise entre 80 et 100 lieues).
« À la prison de Tapson proche d'Exceter en Angleterre le 1er février 1758
Mon très cher père
Après vous avoir assuré de mon profond respect je prends la liberté de vous écrire pour m'Informer de vos chères nouvelles. Celle-cy est pour la huitième que je vous écris sans en avoir reçu aucune des vôtres. Ce quy me donne lieu de croire que vous m'avez mis en oubly. Je suis cependant dans une situation où jay grand besoin de votre secours et de votre assistance. Sy vous aviez voulu vous donner la peine d'écrire pour moi à Monsieur le Comte Delorge ou à quelque autre de vos protections pour qu'ils se fussent intéressés auprès du ministre de la Marine. Il leur aurait été fort facille de me faire échanger, car j'en vois tous les jours qui s'en vont par protection, il n'y a que moy qui suis délaissé, J'ai écrit il y a un mois à Monsieur le Comte Delorge mais je crains fort que ma lettre ne lui soit pas parvenue. n'ayant pas bien mis l'adresse et ne sachant pas où est son hôtel sy celle-cy passe jusqu'à vous l j'ay tout lieu de penser que vous voudrez bien vous donner la peine, d'écrire à quelque puissance pour pouvoir me faire échanger ou tout au moins cautionner, C'est ce qu'espère de vous celui qui reste sous le triste fardeau de la prison. En attendant de vos chères nouvelles avec tout le respect et la soumission possible,
Mon très cher père
Votre très humble et très obéissant serviteur votre fils Gobbé de la Gaudinais prisonnier de guerre
Avec votre permission je présente mes respects à ma chère (mère) et à toute la famille sans oublier la maison de Monsieur Polligné . Il y a dans cette prison icy le fils de du temple le fils de Monsieur Mollier, et Gascard le beau-frère ...qui voud présente leurs respects et vous prie de les faire chez eux »0
Il écrit maintenant sa 20ème lettre sans avoir reçu de lettres de son père. Il a écrit deux lettres au Comte Delorge sans avoir reçu de réponse. Il indique le moyen de lui écrire : »… Vous adresserez ma lettre à Monsieur Lumbry commissaire des prisonniers de guerre à Exceter pour me faire tenir à Tapson… »
(9)
Lettre du 20 juin 1758 de Tapson (près d’Exeter) à « Monsieur Gobbé de la Gaudinais miseur de Redon demeurant Grande Rue en Bretagne à Redon ». Marque d’entrée en France S.Malo (Lenain n°11). Taxe 4 sols (Tarif de 1704 d’une distance entre deux villes de provinces comprise entre 20 et 40 lieues).
« À la prison de Tapson proche d'Exceter en Angleterre 20ème jour du mois de juin 1758
Mon très père
Après vous avoir assuré de mon soumis respect je prends la liberté de vous écrire pour m'informer de vos chères nouvelles également comme celle de ma chère mère. Celle-ci est pour la 20e que je vous écris sans avoir eu la satisfaction d'en recevoir une des vôtres. Ce quy me cause un chagrin mortel et me donne lieu de croire que vous m'avez mis en oubli, Il vous serait très facile mon très père si vous vouliez vous employer auprès de quelque puissance pour me faire échanger ou cautionner. J'ai écrit deux lettres à Monsieur Delorge pour l'engager à me faire échanger ou cautionner, mais je ne sais pas si mes lettres les ont estés remises ou quoy, sy celle cy a eu le bonheur de passer jusqu'à vous montrez cher père j'espère que vous voudriez bien vous donner la peine de lui écrire ou à quelque négociant. Il leurs serait For facile de me faire échanger ou tout au moins cautionner, ce quy me serait fort utile d'autant plus que ce que j'apprendrais la langue anglaise quy me serait d'une grande utilité sous Navigation, j'espère donc mon très cher père que votre amitié paternelle vous engagera à chercher les moyens de retirer un fils qui gémit et languit sous les ferts de ne pouvoir vous donner des marques de digne de luy et du respect possible avec lequel je suis et seray toute ma vie.
Mon très cher père,
Votre très humble et très obéissant serviteur et fils Gobbé de la Gaudinais
Avec votre permission je présente mes respects à ma chère mère et à toutte la famille et tous nos amis. Il y a ici le fils de Monsieur Mollier, le beau-frère de maussion nommé Gascard, Le fils de du temple Vous font bien leur assurance de respects et vous prient de les faire chez eux ils se portent bien sy vous avez la bonté de me donner de vos nouvelles. Vous adresserez ma lettre à Monsieur Lumbry commissaire des prisonniers de guerre à Exceter pour me faire tenir à Tapson
(10)
Lettre du 2 juillet 1758 de Tapson (près d’Exeter) à « Monsieur Gobbé de la Gaudinais miseur de la ville de Redon et communauté de Redon y demeurant Grande Rue à Redon en Bretagne». Marque d’entrée en France L’Orient (Lenain n°3) Taxe 3 sols (Tarif de 1704 d’une distance entre deux villes de provinces comprise jusqu’à 20 lieues incluses).
La tradition de souhaiter la nouvelle année existait déjà et le fils ne l’oublie pas. Il indique que cela fait vingt-huit mois qu’il est en prison : « … sylence à mon égard depuis 28 mois que je suis hors de la maison que je nay pas eu la satisfaction de recevoir de vos nouvelles vous ayant cependant écrit plus de trente lestres ce qui me cause un chagrin mortel, et me donne lieu de croire que vous m'avez oublié en oubly…. » mais pas autant oublié que cela puisqu’il a reçu de l’argent de ses parents : « ….; je vous ay accusé la réception il y a six mois de quelque argent que jay reçu quy m'a été d'un grand secours, car je devais à tout le monde, je suis encore aussi accablé que je l'étais…. »
(11)
Lettre du 3 décembre 1758 de Tapson (près d’Exeter) à « Monsieur Gobbé de la Gaudinais miseur de la ville de Redon à Redon en Bretagne grande rue par Rennes à Redon en Bretagne. En diligence ». Marque d’entrée en France S.Malo (Lenain n°11). Mention manuscrite « angleterre » Taxe 4 sols (Tarif de 1704 d’une distance entre deux villes de provinces comprise entre 20 et 40 lieues).
Mention en bas de page intérieur : (12)
« Pilotte du corsaire Le Mésnil Montant de Nantes »
"À la prison de Tapson proche d'Exceter en Angleterre le 3 décembre 1758
Mon très cher père et ma très chère mère
Je me regarderais comme indigne de votre amitié paternelle et maternelle sy je manquais au commencement de cette nouvelle année à vous la souhaiter avec toutes sortes de prospérités et l'accomplissement de vos souhaits si mes voeux que j'adresse continuellement au seigneur estaient exaucés vous n'auriez rien a désirer ny l'un ny l'autre je ne saiy cependant pas pour quel motif j'ay mérité votre sylence à mon égard depuis 28 mois que je suis hors de la maison que je nay pas eu la satisfaction de recevoir de vos nouvelles vous ayant cependant écrit plus de trente lestres ce qui me cause un chagrin mortel, et me donne lieu de croire que vous m'avez oublié en oubly. Je ne crois cependant pas vous en avoir donné le sujet. J'espère cependant que sy celle-cy a le bonheur de passer jusqu'à vous que vous voudrez bien m'honorer d'une réponse qui m'assurera de l'état de votre santé et tirera d'une maladie de langueur où je suis depuis mon séjour dans les prisons causés par la douleur ne pas recevoir de vos nouvelles, ainsy mon très cher père et ma très chère mère au nom de dieu, de la vierge Marie de ne pas abandonner jusque au point de me faire perdre la vie par la douleur ou je suis ; je vous ay accusé la réception il y a six mois de quelque argent que jay reçu quy m'a été d'un grand secours, car je devais à tout le monde, je suis encore aussi accablé que je l'étais. Je suis en attendant votre réponse avec tout le respect et la soumission possible,
Mon très cher père et ma très chère mère
Votre très humble et très obéissant serviteur votre fils Gobbé de la
Si vous m'écrivez vous adresserez ma lettre à Monsieur Lumbry commissaire des prisonniers de guerre français a Exceter pour me faire tenir à la prison de Tapson et vous règlerez le port jusqu'à la sortie du Royaume et sur toute chose ne me parlez d'aucune chose de la guerre c'est le moyen de recevoir de vos nouvelles il y a icy le fils de du temple, le beau-frère de Mansion et le fils de Monsieur Mollier quy sont icy quy se portent bien. Île vous présentent leurs respects et vous disent faire alors pères et mères et frères et sœurs".
Le Mesnil-Montant de Nantes fut capturé par les Anglais qui le rebaptisèrent sous le nom « Boscaven » puis repris aux Anglais en juillet 1757.
(13)
(Mercure de France référence google books)
(14)
Le Mercure de France de septembre 1757
Dans sa lettre du 1er janvier 1759, il n’y a pas grand chose de nouveau. Il engage son père à poursuivre ses démarches afin de le libérer : « ….Je vous assure vous m'avez marquez que vous aviez eu la bontez d'employer des amis pour obtenir mon echange, vos demarches et vos sollicitations n'ont pas eu le succés désiré, c'est pourquoy je vous prie en grace de rcommencer vos negotiations afin de me faire avoir ma liberté… »
(15)
Lettre du 1er janvier 1759 de Tapson (près d’Exeter) à « Monsieur Gobbé de la Gaudinais miseur de la ville de Redon et communauté de Redon Grande Rue à Redon en Bretagne». Marque d’entrée Ostende. Taxe 20 sols (Tarif de 1704 appliqué soit
"Mr Gobbé de la Gaudinais, miseur de la ville de Redon en Bretagne
Mon cher et honoré Père,
Je ne saurais voir qu'avec une grande douleur, lannée se renouveler, tems ou les hommes se donnent les uns aux autres de nouveaux témoignages damitié sans pouvoir vous renouveller de vives voix lassurance de mes tres humbles respects; je me croirais le plus coupable des mortels sy je manquais à un aussy juste devoir, c'est pourquoy recevez je vous prie par le faible secours de ma plume les nouvelles assurances de mes respects au commencement de cette nouvelle année que jay l'honneur de vous souhaiter bonne et heureuse avec l'accomplissement de tous vos desirs et avec une parfaite santé quy est tout ce que l'on peut souhaiter de meilleur icy bas. je souhaite aussy de tout mon coeur quelle soit meilleure pour moy que les precedentes car le ciel continue sans cesse de maffliger; il me laisse toujours dans un ennuy mortel accablé de chagrin et maudissant sans cesse le moment de ma naissance, sans esperance de vous revoir de longtemps. Et peut estre jamais, quel grand malheur pour moy sy votre bonté paternelle dont jay tant de fois senty les effets ne fait pas encore quelques efforts pour avoir mon relachement et mettre fin à mes peinnes quy sont sy grnades que l'on ne saurait se l'imaginer. Je vous assure vous m'avez marquez que vous aviez eu la bontez d'employer des amis pour obtenir mon echange, vos demarches et vos sollicitations n'ont pas eu le succés désiré, c'est pourquoy je vous prie en grace de rcommencer vos negotiations afin de me faire avoir ma liberté. Je vous en auray une eternelle obligation, et ne cesserais jamais d'adresser mes prieres au ciel ny faire des voeux pour vôtre conservation. Ce sont toujours les veritables sentiments d'un malheureux quy ne souhaitte une fortune que pour la partager avec vous et quy est et sera toutte sa vie en vous embrassant de tout son coeur avec tout le respect et la soumission la plus respectueuse
Mon très cher et honoré père
Votre très humble et très obéissant serviteur et soumis fils Gobbé de la Gaudinais
avec votre permission je presente mes respects à ma chère mère et à toute la famille
Le fils de Dutemple vous présente ses respects et vous prie de les presenter à son père et de plus donner de leurs nouvelles. J'espère que vous voudrez bien aussy avoir la bonté de m'honorer d'une réponse ainsy vous pourrez avec le père de Dutemple ne faire qu'une lettre pour tous les deux à la prison de Tapson proche Exterre en Angleterre ce 1er Janvier 1759."
Le prisonnier se plaint toujours de l’absence de lettres de son père. Cela fait trente mois qu’il est détenu et il a écrit 32 lettres ; « … votre morne silence à mon égard depuis trois mois que je suis hors de la maison et vous ayant écrit 32 lettres sans avoir eu la satisfaction de recevoir une des vôtres…. »
(16)
Lettre du 19 janvier 1759 de Tapson (près d’Exeter) à « Monsieur Gobbé de la Gaudinais miseur de la ville de Redon à Redon en Bretagne. En diligence ». Marque d’entrée en France S.Malo(Lenain n°10) Taxe 4 sols (Tarif de 1704 d’une distance entre deux villes de provinces comprise entre 20 et 40 lieues).
"À la prison de Tapson ce 19 janvier 1759 proche d'Exeter en Angleterre
Mon très cher père
Je ne sais à quoi attribuer votre morne silence à mon égard depuis trois mois que je suis hors de la maison et vous ayant écrit 32 lettres sans avoir eu la satisfaction de recevoir une des vôtres. Ce qui me cause un chagrin mortel et me donne lieu de croire que vous m'avez mis en oubly et que vous ne pensez non plus à moy que sy je ne vous avais jamais appartenu je pense cependant que vous ne devez pas ignorer le triste état où je suis réduit et que je n'ay aucune espérance d'un pouvoir sortir peut-être de plus de trois ans d'ici. Sy cependant votre amitié paternelle règne encore vu envers moi vous de le ferrez connaître un peu par une de vos lettres qui assurera du fait c'est ce qu'espère de vous celuy quy reste en attendant votre réponse ce qui ne sera pas sitôt que je désire avec tout le respect et la soumission possible.
Mon très cher père
Votre très humble et très obéissant serviteur votre fils Gobbé de la Gaudinais
Avec votre permission, je présente mes respects à ma mère et à toute la famille. Il y a ici le fils de Monsieur Mollier, le beau-frère à Maussion qui est Gascard, et celui de notre voisin du temple qui se portent tous bien et vous présentent leurs respects et vous prie de les présenter à leurs pères et mères, frères et sœurs »
Mr Gobbé de la Gaudinais n’est pas inactif comme le pense son fils, prisonnier de guerre. Il reçoit une lettre du Duc Delorge auquel son fils a également écrit. Le Duc a envoyé une lettre à l’Ambassadeur de Hollande afin qu’il intervienne sur la situation du prisonnier, mais en vain.
(17)
Lettre du 20 août 1759 de Bordeaux à « Monsieur Gobbé de la Gaudinais miseur de la ville de Redon» en Bretagne par Redon ». Marque manuscrite « Lesparre (non référencé par Lenain). Taxe 16 sols (Tarif de 1759 avec transit par Rennes : de Lesparre à Rennes 12 sols (distance comprise entre 120 et 150 lieues) et de Rennes à Redon 4 lieues (distance jusqu’à 20 lieues incluses).
"À Bordeaux ce 20 août 1759
Je vais monsieur, récrire de nouveau à Monsieur l'Ambassadeur d'Hollande pour l'échange de votre fils. Je suis bien saisi que les lettres que je vous ai envoyées aient été égarées ; je joindrai à ma lettre pour Monsieur l'Ambassadeur d'Hollande celle que vous m'avez écrite. Je désire que vous vous en ayez la réussite que vous en attendez par l'envie que j'ai de vous.être utile et le sentiment d’estime et de considération dont je vous ai voué, Monsieur, pour toujours.
Le duc Delorge
Mr Gobé"
Le fils Gobbé est revenu d’Angleterre (sans doute au début de 1762). Il répond à son père qui lui fait des reproches son écriture et sa conduite. « …. Sy je ne ne fais pas tout ce qui est en mon pouvoir pour me rendre digne de vos bontés pour moy vous vous plaignez de mon écriture Il est vray que je n'étais pas dans une situation à bien écrire ayant une fièvre continüe qui ne me donnait pas un moment de relâche… » « ….. je ne scay dou peu provenir les contes que l'on vous a a fait en vous disant que je pille la maison de Monsieur collet et que j'use son linge… » ll regrette le manque de bontés de son père quand celui lui réclame le rembourse de ses avances d’argent : « C'est que j'ai toujours pensé qu'étant maitre de tout comme vous leste je ne devrais ce que vous avez bien voulu faire pour moy qu'a la bonté de votre cœur, et qu'il n'est personne pour vous en demandez compte, Furieux, il va rendre la montre que son père lui a confiée : « …. à propos sans y faire entrer la montre parce que je vous la renvoie par la première voye n'ayant pu la faire accommoder comme il faut quoiqu'il m'en ait coute 6 livres (tournois) et je le signeray… ».
Son ami, Delaunay Collet écrit, dans une lettre jointe à celle du fils, à son parent pour lui combien les reproches faits au fils Gobbé sont injustifiés
(18)
Lettre du 5 mai 1762 de Nantes à « Monsieur Gobbé de la Gaudinais miseur de la ville de Redon» à Redon en Bretagne. En diligence ». Marque d’entrée en France Nantes. Taxe 4 sols (Tarif de 1759 d’une distance entre deux villes de provinces jusqu’à 20 lieues).
"Mon très cher père
J'ai reçu Monsieur de la vôtre par le Sieur David en date du 12 du mois passé, j'en aurais pas manqué de vous dire répondre plus tôt. Sy ma santé me l'avait permis pour prendre la liberté en vous assurant de mon profond respect, de vous demander quelle peuve estre les sujets de mécontentement que vous avez contre moi, je ne puis que soupçonner de mauvais raports que l'on vous aura faits. De grâce mon cher père informez-vous à ceux qui ont ma conduite sous leurs yeux. Sy je ne ne fais pas tout ce qui est en mon pouvoir pour me rendre digne de vos bontés pour moy vous vous plaignez de mon écriture Il est vray que je n'étais pas dans une situation à bien écrire ayant une fièvre continüe qui ne me donnait pas un moment de relâche J'étay pas encore .....et des sacs et des accès très viollents mais je fais mon estude à la corrige, Vous me dites que je ferais mieux de m'en retourner, je suis toujours déterminé à faire votre volonté mais il faudra vraiment que je perde les avances que j'ay donné à mon maître, et que je reste dans mon premier estat, Ce que je seray forcé de faire sy vous n'avez la bontés de m'envoyer de l'argent, je ne scay dou peu provenir les contes que l'on vous a a fait en vous disant que je pille la maison de Monsieur collet et que j'use son linge, Leurs bonnes façons pour moy me sont une preuve que je ne leur suis point Importun et à l'aide de mon peu de linge, je me passe du sien, pour ce quy est des bas que vous me demandez, que la servante les cherches ou elle les a mis, car je vous assure que je ne les ay point pris au sujet du billet de Mr Billault Je vous leusse envoyé plus tôt sy j'y eusse pensé, je l’avais oublié dans mon portefeuille vous le trouverez ci inclus vous me demandez mon cher père un état circonstancié des différents débourcés que vous avez faits pour mot depuis mon retour d'Angleterre. Sy j'ay différés à vous le remettre c'est que j'ay toujours pensé a vous le remettre. C'est que j'ai toujours pensé qu'étant maitre de tout comme vous leste je ne devrais ce que vous avez bien voulu faire pour moy qu'a la bonté de votre cœur, et qu'il n'est personne pour vous en demandez compte, sy Cependant cela vous fait plaisir vous aurez la bonté de m'en envoyer un comme vous le jugerez à propos sans y faire entrer la montre parce que je vous la renvoie par la première voye n'ayant pu la faire accommoder comme il faut quoiqu'il m'en ait coute 6 livres (tournois) et je le signeray
Mon très cher père
Votre très humble et très obéissant serviteur Gobbé de la Gaudinet"
Lettre de Delaunay Collet
"Monsieur et chers parants
Permette qu'ayant l'honneur de vous assurer de mon respect, j'at cellui de vous dire combien je suis sensible à ce que vous marque a monsieur votre fils que je ne dois attribuer qu'a de mauvais raports que l'on vous aura fait contre lui, qui aparement nous vien de vraisemblable avec sa conduite qui est sans reproche, pour ce qui concerne son travail son maître m'a assuré qu'il y fait beaucoup de progrès et quil est autant avancé comme ils se peut estre veu le peu de tant quil travaille. Sa maladie l'ayant retardé de près d'un mois dont ils nest point. encore parfaitement rétablie et je croy qu'il ne le sera point que vous ne soye revenüe des mauvais préjugé que l'on vous a inspiré contre lui, je vous avoüe que votre lettre lui a bien fait répandue des larmes qui ne sont point encore essuyées, et qui vraisemblablement ne le serons que lorsqu'il apprendra par votre première la continuation de vous bontés pour lui, je vous les demande en mon particulier sachant combien il le méritte ainsi que toute votre tendresse ne les lui refusé donc pas je vous supplie et suis avec respect monsieur et cher parant votre très humble et obéissant serviteur
Delaunay Collet
5 mai 1762
Le sieur David m'est venu trouver quy m'a dit vous avoir envoyé deux bonnes barriques de vin, et à Monsieur Joyaut pas un cache marée. Je souhaitte qu'il passe heureusement"
Le terme chasse-marée (ou cache-marée) désigne initialement un métier. Il évoquait les mareyeurs qui acheminaient les produits de la pêche vers leurs lieux de consommation. On retrouve déjà ce nom dès 1350 dans une ordonnance rendue par Jean II « en faveur des Chasses-marées contre les pourvoyeurs des maisons du Roi, de la Reine et des princes qui arrêtaient ces forains, qui prenaient le poisson destiné à Paris »
Au début du XVIIIe siècle, chasse-marée désigne, sur la côte Atlantique de la Bretagne, une grande chaloupe de pêche gréée en lougre.
Ce bateau était très rapide. Ainsi, il permettait de transporter très rapidement la sardine depuis son lieu de pêche jusqu'aux cités portuaires entre Nantes et Bordeaux. Pour faciliter la conservation le poisson était légèrement salé.
L'apparition, puis la généralisation des conserveries a fait petit à petit décliner cette activité, à la fin du XIXe siècle. (source Wikipédia)
On suppose que l’ancien prisonnier de guerre détenu à Tapson est l’auteur de la lettre qui suit. Il est parti maintenant pour St Domainge (à St Marc). Il s’est embarqué à Marseille comme bas officier. Il a subi deux naufrages eta des dettes : « …devez savoir ma situation, après deux naufrages sans avoir eu de secours de mes proches en quel état je dois estre ; dépourvu de linge de hardes, en outre cela endetté encore de 1200 livres tournois que je ne sais pas quand je pourray trouver le moyen de faire honneur… ». Son père a de graves difficultés (finacières)avec la communauté de Redon. Son fils lui propose de l’aider en donnant son accord sur la vente d’une bien immobilier (Crocquenay) : « ….. voulut consentir à la vente de Croquenay que cela pourrait vous tirer d’embarras. Si mon consentement peut vous y tirer d'embarras si y estre de quelque utilité vous pouvez aussitôt la présente recüe en disposer de ma part et l'attribuer à ce dont vous en aurés besoin…. »
(19)
Lettre du 3 juin 1767 de St Marc (St Domingue) à « Monsieur Gobbé de la Gaudinais à sa maison a Redon en Bretagne» Marque d’entrée en France COLON PAR LA ROCHELLE
(20)
Taxe 14 sols (Tarif de 1759 4 sols pour le port de débarquement plus 10 sols du port de débarquement jusqu’à au bureau de distribution en passant par le bureau de transit (Nantes, de La Rochelle à Nantes 6 sols (entre 20 et 40 lieues) et de Nantes à Redon 4 sols (jusqu’à 20 lieues incluses))
(21)
Au verso « Par le vessau l’Henriette de La Rochelle
Q.D.G. & P.A B.P. » (Que Dieu Garde & Préserve à Bon Port)
"Mon très cher père
Votre lettre du 10 mars ne m'est parvenue que le moment auquel nous mettions à la voile, ce qui ne m'a pas permis d'y répondre plustôt ; a mon arrivée à Marseille n'ayant trouvé aucune lettre, j'ay trouvé un navire qui partait pour cette colonie, et la crainte où j'étais de rester sur le pavé. Je me suis déterminé à m'embarquer dessus en qualité de bas officier ; je suis peiné on ne peut plus des différents et des catastrophes que vous essuyés tous les jours de la part de Messieurs de votre communauté mais vous ne devez vous en prendre qu'à vous-même.Je voudrais pouvoir estre à lieu de vous tirer de ce labyrinthe mais vous devez savoir ma situation, après deux naufrages sans avoir eu de secours de mes proches en quel état je dois estre ; dépourvu de linge de hardes, en outre cela endetté encore de 1200 livres tournois que je ne sais pas quand je pourray trouver le moyen de faire honneur, vous me marquez que si je veux m'en allais et que je voulut consentir à la vente de Croquenay que cela pourrait vous tirer d’embarras. Si mon consentement peut vous y tirer d'embarras si y estre de quelque utilité vous pouvez aussitôt la présente recüe en disposer de ma part et l'attribuer à ce dont vous en aurés besoin. La prévente vous servira pour ce faire de procuration, dieu veuille quelle vous puisse estre utille je finis en vous souhaitant une bonne santé et suis d’un très .profond respect.
Mon très cher père.
Votre très humble et très obéissant serviteur
Gobbé de la Gaudinais
Mes compliments s'il vous plaît aux Sieurs Collet
Saint-Marc isle de Saint-Domingue le 3 juin 1767"