Le 7 MAI 1944
Mon Pierrot chéri,
Vraiment il y a de l’amélioration dans le courrier : jeudi soir je recevais votre carte datée du 25 avril. Elle a vraiment été vite et j’étais bien contente d’avoir des nouvelles datant de si peu de jours car avec les moments que nous vivons nous sommes toujours sur le qui-vive.
Vos nouvelles sont bonnes et j’en suis très heureuse. Maintenant que le championnat de football est terminé, qu’allez vous faire pour vous distraire, pour chasser le cafard, qui je suis sûre revient de temps en temps. IL est trop tôt pour faire de la natation, surtout s’il fait en Poméranie la même température qu’à Bondy aujourd’hui. Oui aujourd’hui, bien que le soleil se montrait à travers les nuages, il faisait un petit vent pas chaud du tout. Vivement que l’été vienne, au moins on ne se plaindra plus du froid.
Et la santé ? J’espère qu’elle est toujours bonne. Moi aussi cela va. L’examen approche et je suis en pleines révisions. Malheureusement toutes nous sommes beaucoup dérangées dans notre travail par les alertes. Après 2 jours de répit (grâce à la pluie tant réclamée des jardiniers) les bombardiers sont revenus nous rendre visite et la nuit dernière nous avons eu 2 alertes et aujourd’hui nous en somme à la 3ème. Tout le monde devient plus ou moins nerveux dans l’attente de grands événements qui seraient décisifs. En attendant on évacue les enfants.
Sur ce je vois que vous restez tranquillement dans votre lit quand la D.C.A. tire et que les avions sont au dessus de vous. Je vous assure, (Je crois que je vous l’ai déjà dit) que si vous étiez auprès de moi dans de tels moments je vous ferai mettre à l’abri. Je sais que dans votre camp il ne faut pas parler d’abri, mais vous pourriez peut être comme vos camarades vous éloigner. Pour tout cela, songez un peu à moi. S’il vous arrivait quelque chose, qu’est-ce je deviendrais ? Vous savez bien que je tiens à vous.
En ce moment le courrier avec la Bretagne marche très mal (toujours à cause des bombardements) et bien que mes parents m’écrivent très souvent je reçois mal les nouvelles. Je sais pourtant que maman fait toujours la causette avec Mme « H » et que mutuellement nos deux mères se confient leurs tourments à propos de leurs enfants. Maman m’a d’ailleurs confié ce qu’un jour Mme « H » lui disait « Mon dieu pourvu que Pierre ne change pas d’avis, priez bien pour que cela se fasse « Ceci est une confidence de votre maman et comme il n’y a pas de secret entre nous, je vous la redis.
J’espère que cela vous fera plaisir de savoir que votre maman voit d’un si bon œil notre union. Inutile de vous dire que cela me ravie. Que de fois dans la journée je revois les traits de mon Pierrot chéri et jamais le soir je ne m’endors sans que ma pensée aille en Poméranie.
J’espère que bientôt je recevrai vos photos, qui vont grossir ma petite collection que j’aime regarder.
Je n’en mets pas encore bien long cette fois-ci, mais pendant cette période d’examen, je sais que vous ne serez pas exigeant. Aussi je vous quitte, en vous envoyant beaucoup de très doux et très tendres baisers.
Votre Marie-Anne qui pense toujours à vous et vous aime profondément.
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