Le 8 JUIN 1944
Mon chéri,
J’ai laissé passer mon jour de correspondance hier, mais je ne vous oublie pas et ce soir je profite d’un moment d’accalmie pour venir un peu bavarder avec vous. Nous vivons des temps très troublés en ce moment du fait des récents événements et je suis très heureuse d’être avec ma famille aujourd’hui. Nous avons de nombreuses alertes tous les jours (mardi : 9 mercredi : 7) et ce ne sont pas des alertes pour rire. A chaque fois il faut descendre à la cave car la D.C.A. est intense et il ne fait pas bon être sous la mitraille. Aujourd’hui, nous avons eu une alerte de 7h½ à 11h avec encore une fois bombardement de ST Jacques. Si cela continue nous passerons la moitié de notre vie à la cave, et sait-on ce que nous réservent les jours à venir ? Je ne vois pas l’avenir immédiat très brillant.
Je ne sais même pas si cette lettre vous parviendra un jour où si elle vous atteint dans quel laps de temps, car le courrier ne va pour ainsi dire plus du fait des communications coupées.
J’aime mieux quitter ce sujet peu agréable pour parler de vous mon Pierrot chéri ? J’espère que vous allez toujours bien et que le moral est bon. Cela fait 19 jours que je n’ai pas reçu de vos nouvelles, mais je sais qu’en ce moment il faut être très patiente.
Que faites-vous en ce moment, mon Pierrot chéri ? J’essaie de m’imaginer ce que vous pouvez faire à tel moment où je pense à vous. IL y a des moments quand je pense à vous. IL y a des moments où je voudrais tant être auprès de vous ! Consolons-nous en nous disant que vous reviendrez peut-être bientôt, plus vite nous l’espérons.
En attendant cette année encore vous serez loin le jour de la ST Pierre, aussi dès aujourd’hui avec l’espoir que mes vœux arriveront à temps, je vous souhaite de tout mon cœur une bonne fête, j’espère que là-bas vous la souhaiterez le mieux possible et je fais des vœux pour que l’année prochaine à pareille époque vous soyez parmi nous. Là au moins votre fête sera souhaitée dignement et je ne serais pas obligée comme aujourd’hui de vous envoyer mes baisers, je serai sur place et l’un comme l’autre nous ne nous plaindrons pas du moins je le pense.
Samedi prochain je devais aller à une messe de mariage, l’un de mes contemporains d’école maternelle qui va avoir 20 ans au mois d’août convole en justes noces. Je me demande si à cet âge, il n’est pas un peu fou. Je devais donc aller leur porter mes félicitations et mes vœux de bonheur, mais du fait des circonstances je crois que la messe sera avancée et qu’il n’y aura pas de fête du tout. Ainsi je resterai à la maison et je n’en plains pas car il ne fait pas bon sortir en ce moment.
J’étais même invitée au bal, le soir, mais là j’avais refusé, car jusqu’ici le Dieu de la danse n’a guerre eu le temps de m’inspirer.
Lundi après-midi je suis allée passer quelques heures avec votre maman qui était bien contente. Nous avons passé un bon moment et cette année comme l’année dernière nous le renouvèlerons souvent.
Nous faisons toujours à vos parents du fait des alertes a des heurs indues.
Je me porte toujours bien ainsi que mes parents et j’attends toujours avec impatience le résultat de mon examen. Plus je vais, plus je pense que ce que j’ai fait est mauvais. J’ai bien peur d’être recalée. Enfin nous verrons bien.
En attendant mon Pierrot bien aimé je vais vous quitter pour récupérer un peu de sommeil. Pour le moment nous sommes tranquilles mais toute la nuit sera-t-elle semblable ?
Mon Pierrot, encore une fois en vous souhaitant une bonne fête, je vous envoie beaucoup de très doux et très tendres baisers.
Bonsoir, mon chéri
Votre Marie-Anne qui vous aime de tout son cœur..
Emplacement de la signature
Cela fait aujourd’hui 15 mois que vous êtes parti.
Le 9 JUIN 1944
Nous venons de subir un bombardement terrible. Le feu fait plus de ravage que les bombes dans le quartier de la gare. Beaucoup de doux baisers